
The recent contributions of functional MRI and physiology make it possible to lift a veil on the mechanism of action of these practices.
The recent contributions of functional MRI and physiology make it possible to lift a veil on the mechanism of action of these practices.
Comment la stimulation d’une zone particulière du pavillon auriculaire peut avoir une action thérapeutique, comme soulager une douleur ou un stress ? Voici quelques éléments de réponse. Attention ! Ces éléments ne font pas appel à des théories "traditionnelles" telles que l'on peut les voir dans des enseignements d'acupuncture auriculaire ou d'auriculothérapie. L'accent sera mis sur la neurophysiologie.
Tout peut naitre d’un malentendu ! A la fin du XIX° siècle, James Corning, un neurologue américain, avait conçu un dispositif permettant de stimuler le nerf vague dans sa portion rétro carotidienne afin de traiter l’épilepsie [1]. Ce dispositif ressemblait à une fourchette à deux branches, chacune étant appliquée en regard des carotides, et délivrant un courant continu. A cette époque, l’épilepsie était considérée comme étant la résultante d’un débit sanguin cérébral excessif, que l’on pouvait diminuer en ralentissant la fréquence cardiaque…. par la stimulation du nerf vague. Si l’efficacité n’était pas tout à fait au rendez-vous chez l’homme, la stimulation invasive du nerf vague était efficace sur des modèles animaux développés dans les années 50. Ces recherches ont donné naissance dans les années 90 aux premières stimulations vagales dite « invasives » par dispositifs implantables. Cette stimulation invasive a montré son efficacité dans le traitement de l’épilepsie résistante, validant ainsi l’hypothèse de Corning, mais avec un rationnel totalement différent [2] ! Outre l’épilepsie résistante, la dépression sévère peut aussi être traitée par stimulation vagale invasive [3].
Le souci de la stimulation vagale invasive, c’est son caractère invasif justement ! Le dispositif doit être implanté, et les complications post-opératoires immédiates sont de 9,1% chez l’adulte (hématome, infection, paralysie des cordes vocales) [4]. A six mois, plus d’un patient sur deux a une dysphonie [5], sans compter le cout du dispositif et le nombre limité d’équipes pouvant l’implanter.
L’étape suivante a été de développer la stimulation vagale de manière non invasive. Les premiers stimulateurs étaient des dispositifs que devaient appliquer le patient sur le trajet carotidien du nerf vague, comme le gammaCore®. Ce dispositif est utilisé dans le traitement de la crise migraineuse [6] et a reçu l’agrément de la Food and Drug Administration dans cette indication. Son principal inconvénient est son ergonomie, car le patient doit tenir en permanence le dispositif.
Or, la conque est innervée par le nerf vague, et tout particulièrement sa partie supérieure (hémiconque supérieure) [7]. Pourquoi ne pas concevoir un dispositif non invasif qui stimulerait le nerf vague via l’hémiconque supérieure ? Ce fut l’étape suivante. Ce type de stimulation a montré son efficacité dans les deux indications princeps de la stimulation vagale invasive, l’épilepsie pharmaco-résistante [8], et la dépression majeure [9], mais aussi dans de nombreuses autres indications comme l'insomnie, les troubles fonctionnels intestinaux, la réhabilitation post AVC etc (la liste est longue).
SI l’on reprend l’anatomie du pavillon auriculaire, ce dernier est innervé par 3 contingents principaux : outre le nerf vague via son rameau auriculaire, citons le nerf trijumeau via une de ses branches, le nerf auriculo-temporal, qui innerve la partie supérieure et postérieure du pavillon, et le plexus cervical superficiel via les nerfs occipitaux, qui innerve principalement le lobe de l’oreille. D’autres nerfs contribuent plus accessoirement à l’innervation du pavillon auriculaire, comme des fibres issues du nerf facial (VII° paire crânienne) pour le pourtour du conduit auriculaire ou du glosso-pharyngien (IX° paire crânienne) pour une partie du tragus [10].Se pourrait-il que la stimulation de ces autres nerfs ait une action aussi intéressante que cette induite par le nerf vague ?
Les données anatomiques classiques ne permettent pas d’expliquer l’action modulatrice d’une stimulation cutanée, nociceptive ou non, du pavillon auriculaire. En ne prenant que le nerf vague comme exemple, ses fibres afférentes appartiennent toutes à la sensibilité générale dite « somatique » (« GSA » pour General Somatic Afferent) et se terminent toutes dans le noyau spinal du trijumeau [11]. Donc, en principe, la stimulation du pavillon auriculaire ne devrait aboutir qu’aux relais sensitifs via la sensibilité générale somatique.
Heureusement, les études en traçage rétrograde et en IRM fonctionnelle permettent d’aller plus loin.
Chez l’animal, par traçage rétrograde, les informations afférentes véhiculées par les trois principaux contingents se projettent sur d’autres structures que le noyau spinal du trijumeau [10]. Les afférences vagales se projettent comme prévu sur le noyau du trijumeau, mais aussi le noyau du tractus solitaire (NTS), qui est le relais de toutes les afférences intéroceptives non douloureuses (« GVA » pour général visceral afferent) [12]… médiées par le nerf vague.Les afférences des nerfs petit et grand occipital (les branches du plexus cervical superficiel) se projettent comme prévu sur dans les corps cellulaires en C2 - C3 et sur le noyau du trijumeau, mais aussi sur des structures non prévues par le modèle anatomique, qui sont a) Le ganglion cervical supérieur (à valence sympathique), b) la moelle cervicale sur les couches I à V (rappelons que les couches II, III et IV sont des lieux de rencontres avec des afférences corticales intervenant dans le contrôle inhibiteur de la douleur par exemple), c) le noyau cunéiforme (où se trouvent le premier relais synaptique des afférences sensitives générales. Ce noyau était anciennement appelé noyau de Goll, dont le pendant pour les membres inférieurs est le noyau de Burdach, actuellement nommé noyau gracile), et d) le noyau du tractus solitaire. Les afférences du nerf auriculotemporal (la branche du trijumeau - V3 -) arrivent comme prévu sur le noyau du trijumeau, mais aussi le noyau cunéiforme, comme les branches du plexus cervical superficiel [10]. Enfin, ces trois contingents projettent tous sur les couches III et IV médullaires cervicales hautes, qui sont aussi des relais des voies sympathiques. Dans le cas des afférences vagales, ces projections n’existent pas si le traçage est fait directement du tronc du nerf vague et non de sa branche auriculaire [10]. Intéressant, non ?
Et chez l’homme ? La stimulation électrique répétitive de la conque confirme les résultats obtenus chez l’animal, à savoir qu’elle active bien les relais du nerf vague en rapport avec la sensibilité viscérale générale (« GVA », Cf supra) [11]. De plus, il existe une activation d’autres structures plus hautes situées, comme le locus coeruleus, l’amygdale, le noyau accumbens ou l’aire parabrachiale, et ce de manière bilatérale. L’activation de ces structures est différente en fonction de la zone stimulée sur le pavillon auriculaire, même si les données disponibles ne concernent que quatre zones différentes, comme l’a montré Yakunina et al. [12].
Revenons à la clinique : trois observations princeps reproductibles permettent d’appréhender plus facilement la physiopathologie : l’allodynie induite, la somatotopie et l’efficacité antalgique post stimulation.
Quand une information nociceptive émane d’un dermatome, il va apparaitre sur une zone circonscrite du pavillon auriculaire une hypersensibilité à une stimulation habituellement pas douloureuse (appelée allodynie). L’exemple le plus frappant est de pincer expérimentalement la pulpe de la 2° phalange du pouce avec une pince à dessin, puis ,1’ après, d’aller chercher une zone hypersensible au niveau du pavillon auriculaire (on vous donne le truc ; c’est en haut de la fossette scaphoïde, mais il faudra une pointe à bord mousse de 1 à 3 mm de diamètre pour bien chercher cette zone. Il existe des outils dédiés dans le commerce). Cette expérience est très facile à faire et reste reproductible.
La distribution de ces zones hypersensibles suit une organisation topographique particulière, comme une carte. Cette somatotopie a été publiée pour la première fois par le fondateur de l’auriculothérapie, Paul Nogier, dans les années 50, sous la forme d’une cartographie [13]. Cette somatotopie est facile à décrire pour des afférences nociceptives extéroceptives, mais un peu moins pour les afférences intéroceptives, nociceptives ou non. C’est pourquoi de nombreuses "cartographies auriculaires" circulent actuellement.
La somatotopie n'est pas propre à l'oreille ! Elle existe déjà dans de nombreuses structures cérébrales. La plus ancienne décrite est l'organisation somatotopique du cortex moteur sur l'aire frontale ascendante, dénommée homonculus de Penfield, du nom de son découvreur. De nombreuses autres organisations topographiques existent dans d'autres structures cérébrales, comme le thalamus, l'insula... et le noyau ambigu et le noyau moteur dorsal du vague, qui sont les deux noyaux moteurs du nerf vague.
Enfin, la stimulation vigoureuse de la zone allodynique du pavillon auriculaire va diminuer fortement la douleur somatique. Magique ? Pas du tout. Il y a au moins deux modèles pouvant expliquer ce phénomène : le premier est la théorie du gate control, la deuxième est le paradigme intéroceptif connu en médecine manuelle.
Vous avez tenu jusque-là ? Bravo ! Les points clés sont les suivants :