Quels sont les mécanismes d'action de l'auriculothérapie, l'acupuncture auriculaire ou la neuromodulation auriculaire ?

illustration du cerveau humain

Les apports récents de l'IRM fonctionnelle et de la physiologie permettent de lever un voile sur le mécanisme d'action de ces pratiques

Le mécanisme de l’auriculothérapie repose sur le triptyque allodynie- sensibilisation - somatotopie

L’auriculothérapie se base sur trois observations cliniques que tout un chacun peut reproduire.

Allodynie

Premièrement, une douleur corporelle ("somatique") est associée à une hypersensibilité sur zone délimitée ("circonscrite") du pavillon auriculaire ou de la conque. Cette hypersensibilité s'appelle "allodynie" en langage médical. Cette zone circonscrite sur l'oreille s'appelle "point" en auriculothérapie et acupuncture auriculaire, ou "zone" en neuromodulation auriculaire. Cette allodynie est assez facile à reproduire. Il suffit d'induire un message nociceptif périphérique (par exemple, mettre une pince sur la pulpe du pouce, mais ça marche sur le reste du corps !) et ensuite d'aller chercher sur le pavillon auriculaire une zone hypersensible à la pression (cela se fait idéalement avec un palpeur à pression taré et encore mieux si vous connaissez la représentation du pouce sur le pavillon auriculaire).

Sensibilisation

Deuxièmement, la stimulation de la zone sensibilisée génère une action thérapeutique. Cette observation est évidente dans le cas d’une douleur aiguë et n'est pas spécifique à l'oreille. Les rebouteux connaissaient déjà cette pratique et, sous prétexte de "remettre un nerf en place", exerçaient sur une zone sensibilisée une stimulation douloureuse. Les ostéopathes d'aujourd'hui ne remettent plus les nerfs en place, mais exercent des techniques dites "cutanées" ou "neurocutanées", la plus connue étant le palper-rouler. Sur l'oreille, c'est la même chose !

Somatotopie

Troisièmement : la distribution de ces zones hypersensibles suit une organisation topographique particulière, comme une carte, d'où le terme de "cartographies auriculaires" dont de nombreux avatars se trouvent sur internet. Cette organisation topographique est appelée "somatotopie". Elle existe déjà dans de nombreuses structures cérébrales: la plus ancienne décrite est l'organisation somatotopique du cortex moteur sur l'aire frontale ascendante, dénommée homonculus de Penfield, du nom de son découvreur. De nombreuses autres organisations topographiques existent dans d'autres structures cérébrales, comme le thalamus, l'insula... et le noyau ambigu et le noyau moteur dorsal du vague, qui sont les deux noyaux moteurs du nerf vague. 

Tout le monde a en tête l'image du "fœtus inversé", mais cette représentation est trompeuse et induit de faux raisonnements. La réalité est un peu plus complexe.

La stimulation de l’oreille entraine une réponse parasympathique

La stimulation de certaines zones de l’oreille génère une réponse parasympathique. Parmi ces zones, la plus étudiée a été l’hémiconque supérieure qui est innervée à 100% par le nerf vague (Peuker et al 2002, Butt et al 2019). Chose plus surprenante, mais observée chez l'animal uniquement, la stimulation auriculaire induit aussi une réponse .... sympathique (Strack et al, 1990).

Grâce à l’IRM fonctionnelle, on sait que la stimulation de zones différentes sur l’oreille génère des réponses différentes (Yakunina et al, 2017). Il est observé une activation ou une inhibition des certaines zones cérébrales (noyaux ou zones d’intérêt) en fonction de la zone stimulé sur le pavillon auriculaire. Ainsi, la stimulation du pavillon auriculaire induit une modulation de certains réseaux neuronaux, d’où le terme de “neuromodulation auriculaire”., différente en fonction de la zone stimulée à l'oreille. Malheureusement, très peu de zones ont été étudiées en IRM fonctionnelle, alors que plusieurs centaines de points ont été décrits sur le pavillon auriculaire. De plus, le paradigme de stimulation imposé par l’IRM fonctionnelle ne correspond pas tout à fait à la pratique courante.

Fait notable, toutes les informations passent d’abord par deux relais : le noyau du tractus solitaire et le locus coeruleus. Or, le noyau du tractus solitaire communique activement avec ses homologues moteurs, le noyau ambigu et le noyau moteur dorsal du vague, que l'on a vu au paragraphe précédent.

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